Michèle Bitton adhérente de Promemo publie cet ouvrage consacré à Gaston Crémieux, dans son activité moins connue de journaliste. Vous pouvez vous le procurer en prenant contact avec elle à l'adresse suivante : mikanoga@protonmail.com
Première Guerre mondiale : Le pacifisme des instituteurs par Loïc Le Bars
L'année 1914 a été l’occasion de nombreuses parutions sur la Première Guerre mondiale. Certaines d’entre elles ont abordé la question du pacifisme, particulièrement mal vu en une période de notre histoire où le nationalisme belliqueux, parfois revanchard, était dominant dans l’air du temps. uveau par
Les instituteurs ont payé un lourd tribut à la guerre. Le plus souvent sous-officiers et officiers subalternes, ce sont eux en effet qui montaient à l’assaut et par conséquent à la boucherie à la tête de leurs compagnies. Mais une minorité seulement d’entre eux a participé aux courants pacifistes et au refus de la guerre. À une époque où les fonctionnaires n’avaient pas encore le droit légal de se syndiquer, les instituteurs et institutrices étaient peu nombreux à la CGT. Pourtant, comme a pu l’écrire Pierre Monatte, un dirigeant de la CGT de l’époque, ces enseignants animaient «la seule fédération restée fidèle durant la guerre à l’internationalisme ouvrier, prouvant ainsi la vigueur de son esprit révolutionnaire ». Ce livre retrace la façon dont ils ont vécu la guerre à travers les lettres qu’ils ont envoyées à ceux et de celles qui partageaient leur engagement et qui luttaient à leur côté. agraphe
La Fédération des syndicats d’instituteurs a été, au sein de la CGT, la seule fédération restée fidèle durant la guerre à l’internationalisme ouvrier, prouvant ainsi la vigueur de son esprit révolutionnaire, comme a pu l’écrire un historien de la CGT. La grande majorité de ses militants (et de ses militantes) ont en effet figuré en bonne place dans la petite phalange des syndicalistes restés fidèles à leur idéaux pacifistes et internationalistes. D’autres ont noté le rôle joué par ces « petits intellectuels » pendant la guerre. Il n’a pas échappé non plus aux gouvernements. Dès le printemps 1917, les militants et plus encore les militantes de la Fédération ont en effet été les cibles privilégiées de la répression contre ceux que la presse qualifiait de « défaitistes », et cela avant même l’avènement du gouvernement Clemenceau. La Fédération comptait quelque 3 000 adhérents en 1913 répartis très inégalement dans 46 syndicats ou sections syndicales. Ils ont su affronter une opinion publique profondément hostile, si l’on en croyait la plupart des journaux, et la répression ne les avait pas fait renoncer à leur idéal. Il n’est donc pas vraiment surprenant que beaucoup d’entre eux se soient retrouvés peu de temps après parmi les rares syndicalistes à ne pas céder aux sirènes nationalistes, certains dès le déclenchement du conflit, d’autres à l’issue de la première année de guerre. D’autres facteurs peuvent aussi permettre de comprendre pourquoi et comment ils ont pu tenir la place qui fut la leur dans le mouvement pacifiste. Dans la CGT, la FNSI avait la particularité de compter d’assez nombreuses adhérentes qui représentaient environ un tiers de ses effectifs. Elles y jouaient un rôle non négligeable et certaines avaient été à l’origine de la création de leurs syndicats. Elles y exerçaient, ou y avaient exercé, d’importantes responsabilités, comme Hélène Brion qui était secrétaire adjointe de la FNSI depuis janvier 1914. Ces institutrices, de surcroît ardentes féministes pour beaucoup d’entre elles, étaient donc prêtes à prendre la relève de leurs camarades mobilisés et contribuèrent pour une large part au maintien d’un minimum de vie syndicale dans les départements où elles militaient.
La correspondance sur laquelle s’appuie ce livre met en évidence les difficultés auxquelles ces mil
itants furent confrontés, leur isolement aussi, et témoigne de leurs interrogations sur l’utilité et plus encore sur l’impact d’un combat mené avec des moyens qui pouvaient paraître dérisoires en regard de ceux dont disposaient leurs très nombreux adversaires ; elle laisse souvent percevoir leur lassitude et même parfois leur découragement et permet, mieux que les comptes rendus officiels, de se rendre compte de l’âpreté des différents qui les ont opposés. Elle contient aussi les justifications de certains de ces « jusqu’auboutistes » qui tenaient à expliquer leur position. Les instituteurs mobilisés décrivaient leurs conditions de vie sur le front ou dans les villages dévastés de l’arrière, faisaient part de l’effroi et de la consternation qui les étreignaient au spectacle de ce qui n’était pour eux qu’une boucherie auss
i inutile que barbare.
Sommaire :
Introduction
I Le désarroi
II De l’École émancipée à l’École de la fédération
III La révocation de Julia Bertrand et « l’affaire Gabrielle Bouët »
IV « Protester contre les paroles de haine »
V La FNSI dans la minorité pacifiste de la CGT
VI Lettres venues du front
VII De Zimmerwald à Kienthal
VIII Un combat pour le présent ou un témoignage pour l’avenir ?
IX La polémique sur la « censure » exercée par la rédaction de l’École de la fédération X Une place centrale dans le mouvement pacifiste
XI Printemps 1917 : l’espoir
XII La fin de l’année 1917 : désillusion et répression
XIII La seule fédération restée minoritaire
Conclusion
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. » : Jaurès l’avait dit et répété, et des congrès successifs de l’Internationale socialiste s’étaient engagés à tout faire pour empêcher le déclenchement d’un conflit. Mais quand, en 1914, malgré la forte agitation sociale que connurent au début de l’année la France, la Russie et l’Allemagne, la machine infernale se mit en route, les socialistes ne lui barrèrent pas le chemin.
La France ne manquait pas de pacifistes ; mais devant les dangers de l’invasion, la mobilisation, la militarisation de la société et la censure, tous furent désemparés et beaucoup se résignèrent. Certains, cependant, osèrent rompre le consensus et voulurent faire entendre la voix d’un pacifisme actif, c’est-à-dire, nécessairement, internationaliste. La paix qu’ils recherchaient était une paix sans tergiversations, « sans vainqueur ni vaincu », une paix – ils en étaient convaincus – que les régimes qui avaient conduit le monde à la guerre ne seraient pas capables d’assurer.
Ces militants – car tous l’étaient avant le début de la guerre – durent mener d’abord le combat dans leurs propres organisations, parti socialiste et syndicats, puis tenter, malgré la censure, l’intimidation et la répression, de faire progresser l’opposition à la guerre. Le Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI) qu’ils créèrent fut le centre nerveux du pacifisme militant en France de 1915 à 1918 ; Zimmerwald et Kienthal, mais aussi la prison et les procès, furent les étapes de leur campagne.
La paix des vainqueurs ne fut pas celle pour laquelle ils s’étaient battus et ils savaient qu’elle portait en elle l’annonce d’un nouvel orage. Mais en maintenant vivace l’internationalisme socialiste, leur action résonna encore bien après que le CRRI eût cessé d’exister.
Julien Chuzeville, Militants contre la guerre 1914-1918, Spartacus, 2014, ISBN : 9782902963683.Nouveau paragraphe
Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir (Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre 1909-1914), Montreuil/Paris, L’Insomniaque/Libertalia, 2014, 544 p., 20€.
L’année 2014 a vu, pour cause de commémorations de la Grande Guerre, nombre d’ouvrages paraître à ce sujet. Mais la question de l’attitude du mouvement ouvrier à la veille de la guerre n’a guère été l’objet d’attention, alors même qu’elle conditionne son devenir pour des décennies. Rappelons ainsi que Simone Weil estima que le 4 août 1914 marqua « la faillite de l’organisation des masses prolétariennes, sur le terrain politique et syndical, dans les cadres du régime ». Si tel est bien le cas, ce n’est pas rien et cela mériterait des analyses renouvelées mieux à même de comprendre tout à la fois les causes de cette faillite et la réalité que recouvre la permanence des mêmes sigles sur la longue période (parti socialiste, CGT, etc.).
Sur lesdites causes, le beau livre de Guillaume Davranche propose une plongée dans le mouvement ouvrier et révolutionnaire français des années qui précèdent la guerre et permet de mieux évaluer des évolutions entamées plusieurs années auparavant. Si un Alfred Rosmer avait largement documenté ces prises de position à la veille de la guerre et au moment de sa déclaration dans Le Mouvement ouvrier français pendant la Première Guerre mondiale (rééd. 1993), il ne s’était intéressé qu’aux semaines qui précèdent la déclaration de guerre. Le principal mérite du livre de Guillaume Davranche est de remonter dans le temps à partir de l’année 1909 et de suivre les évolutions et les recompositions des milieux ouvriers, syndicaux et révolutionnaires à partir de cette date. Généralement, on se contente d’indiquer que le syndicalisme révolutionnaire entre en crise à la suite de l’échec de la campagne pour les 8 heures et de la répression du ministre de l’intérieur Clemenceau après les grèves de Draveil et de Villeneuve-Saint-Georges en mai 1908. Il reste encore six ans avant la guerre, et ce sont ces années décisives pour le mouvement ouvrier et révolutionnaire que l’auteur raconte d’une manière très vivante, en évoquant les lieux, les grèves, les luttes, les institutions et les personnages de ce Paris ouvrier des années 1910. Il interroge aussi au plus près les recompositions internes du mouvement ouvrier et révolutionnaire. Ainsi, même si l’on connaissait la figure de Gustave Hervé et de son journal, La Guerre sociale, la lecture de ce livre permet de mieux cerner leurs évolutions qui les mènent, dès 1910, d’un radicalisme échevelé et d’un insurrectionnalisme affirmé à des positions plus conformistes et modérées. Le journal, qui avait été l’étendard de tous les révoltés, s’assagit progressivement et contribue au rapprochement entre le Parti socialiste et la CGT, et par là même à la normalisation de la confédération ouvrière. Mais c’est dans deux autres domaines que le livre innove le plus. D’abord, il suit tout au long de ces années l’histoire méconnue des jeunes militants qui formeront la Fédération communiste anarchiste et seront à la pointe de la lutte contre la guerre. Ensuite, il analyse d’une manière très fine les évolutions qui se font jour dans la CGT. Cette dernière entame alors un recentrage qui explique pour partie ses prises de position en août 1914, au-delà de la seule personnalité, contestable et bientôt contesté, de son secrétaire général, Léon Jouhaux.
En bref, un livre important, sinon indispensable, pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du mouvement ouvrier.
Charles Jacquier
Figure du mouvement ouvrier marseillais, Pascal Posado est un représentant authentique de cette "génération singulière" d'ouvriers métallurgistes qui a fait sa force et son rayonnement. Le livret et le DVD retracent plus d'un demi-siècle de son expérience de militant et d'élu.